Du safran au goût liégeois
MELANIE GEELKENS
mardi 09 novembre 2010, 09:56
A Wasseiges, Sabine et Éric Léonard procèdent à la première récolte du safran. Les premiers pots de cette épice précieuse, leur « safran de cotchia » seront vendus dès le mois de
décembre.
La première récolte du Safran © Tonneau
REPORTAGE
En chiffres
37 euros
Chaque pot d'un gramme sera vendu chez ISPC à 37 euros. Près de 4 euros plus cher que pour l'or.
3 producteurs
En Belgique, 3 producteurs se sont lancés dans la culture de l'or rouge, mais le « safran de Cotchia » est le premier à être commercialisé à grande échelle.
150 fleurs
Pour obtenir un gramme de cette coûteuse épice, il faut récolter les pistils de 150 crocus savitus. Éric et Sabine Léonard ont planté 20.000 bulbes sur un terrain de 25 ares. L'année
prochaine, ils en planteront encore 40.000 pour atteindre un hectare de surface cultivée. « La superficie maximale pour un couple d'agriculteurs », affirment-ils.
5 ans
Le temps nécessaire pour amortir leur investissement. Un investissement financier colossal, même si les agriculteurs préfèrent rester discrets sur ce sujet. Un bulbe coûte 1 euro. À cela
s'ajoutent les frais liés à l'emballage, la modification du sol, l'élaboration de codes-barres, etc. Sans oublier leur salaire. Pour pouvoir en vivre, ils devront en produire 2 kilos.
Avec leurs 60 grammes, ils sont encore loin du compte.
100 personnes
En moyenne, selon le type de préparation (sucrée ou salée), un gramme de ce condiment permet de cuisiner pour 100 personnes, voire 150.
Une veste bien chaude, un sac de toile, Sabine Léonard est parée pour la récolte. Depuis près d'un mois, au moins deux fois par jour, elle rejoint le champ
situé à quelques centaines de mètres de la ferme. Un terrain où sommeillent 20.000 bulbes de crocus savitus, la plante du safran. Ce matin, le butin n'est pas fameux. Seule une dizaine de
fleurs mauves ont jailli du sol. Capricieux, le crocus peut fleurir en moins d'une heure. L'agricultrice reviendra jeter un œil fin d'après-midi.
Depuis 4 mois, Sabine et Éric Léonard découvrent le pays de l'or rouge. L'aventure a débuté suite à un reportage diffusé à la télévision, à propos de la culture du safran en France. Pourquoi
pas en Belgique ? Le couple de cultivateurs hesbignons tient le pari. En août, ils plantent les bulbes sur une superficie de 25 ares. Il ne restait plus qu'à patienter jusqu'à l'automne.
« Normalement, l'éclosion doit survenir d'un coup, explique Éric Léonard. Mais cette année, à cause de la météo désastreuse, les fleurs apparaissent petit à petit. On constate ce
phénomène partout en Europe. » Pour l'instant, ils ont récolté près de 80 % de la production. « On va peut-être devoir ramasser jusqu'en décembre ! », ajoute son épouse.
Après la cueillette, l'émondage. Les agriculteurs disposent de 48 heures pour couper les pistils (les futurs filaments de safran), à la main ou à l'aide d'un ciseau à ongles. Aujourd'hui,
c'est Sabine qui s'y colle. Sur une assiette rouge (« pour mieux détecter les parties jaunes, celles qu'il faut éliminer »), elle sectionne délicatement les pistils, à un rythme de
400 fleurs par heure. Prochaine étape : le four, pour une séance de séchage à 45-50º, pendant 30 minutes. Une phase durant laquelle le safran perd 80 % de son volume. Chaque « dose » est
ensuite transvasée dans un petit pot, qui attendra minimum un mois dans le noir avant de pouvoir prétendre au titre d'épice.
Une épice qui vaut de l'or : 37 euros le gramme. Les Léonard visent avant tout la qualité. Selon eux, la majorité du safran présent sur le marché serait falsifié. Curcuma, carthame, plume,
sable, maïs coloré, brique pilée… Tous les moyens seraient bons pour allonger cette précieuse moisson.
Leur première production a été entièrement rachetée par les magasins ISPC, enseignes destinées aux professionnels de l'horeca. Les premiers pots ne seront disponibles qu'à partir de décembre,
mais les commandes affluent déjà.
Ils reçoivent également de nombreux coups de fils d'amateurs ou de curieux. Récemment, ils ont été contactés par un producteur marocain qui s'interrogeait sur le prix pratiqué au kilo. Les
agriculteurs n'ont pas pu lui répondre. En 2010, ils espèrent à peine en produire… 60 grammes !